Le Japon confronté à une explosion d’attaques d’ours

Le Japon connaît en 2025 l’une des pires années jamais enregistrées pour les attaques d’ours. Selon les données publiées ce week-end par le ministère de l’Environnement du Japon, le nombre de décès liés à des attaques d’ours dépasse déjà la vingtaine, un record depuis le début des statistiques nationales.

Ces incidents se multiplient dans les zones rurales du nord de Honshū, notamment dans les préfectures d’Akita, Iwate et Yamagata, où les ours noirs asiatiques (Ursus thibetanus japonicus) s’aventurent de plus en plus près des villages.

Les vidéos d’ours traversant les routes ou errant dans les champs de kaki et de pommes se répandent sur les réseaux sociaux japonais, suscitant à la fois fascination et effroi. Les habitants, eux, oscillent entre prudence, colère et tristesse.

Pourquoi les ours s’approchent des humains

Le phénomène n’est pas nouveau, mais jamais il n’avait pris une telle ampleur. Cette année, les ours japonais se rapprochent massivement des zones habitées, une conséquence directe de plusieurs facteurs écologiques et humains qui se combinent dangereusement.

Une pénurie alimentaire sans précédent

Les spécialistes soulignent une baisse drastique de la production de glands, châtaignes et noix sauvages dans les forêts du nord de Honshū. Ces fruits, essentiels à la survie des ours avant l’hiver, ont été raréfiés par un dérèglement climatique marqué : étés plus longs, floraisons précoces, et sécheresses locales.

Résultat : les ours, affamés, quittent leur habitat montagnard pour chercher de la nourriture dans les plaines et les villages.

La réduction de leur habitat naturel

L’autre cause majeure réside dans l’urbanisation et la déforestation. Depuis deux décennies, le Japon a étendu ses infrastructures jusque dans les zones forestières, grignotant les territoires de chasse et les zones de reproduction des ours.

Les projets de routes rurales, les stations de ski et l’abandon de terres agricoles où la forêt reprend ses droits sans entretien ont créé un mosaïque instable : les ours s’y perdent, les humains s’y aventurent, et les rencontres deviennent inévitables.

La dépopulation rurale : un facteur silencieux

Le Japon rural se vide. Dans certaines communes de montagne, la population a chuté de plus de 40 % en dix ans. Les anciens champs, vergers et zones tampon qui servaient autrefois de frontière entre villages et forêts ne sont plus entretenus.

Ces espaces deviennent des corridors naturels que les ours empruntent sans rencontrer d’humains jusqu’au jour où ils se retrouvent au cœur d’un bourg endormi.

Le changement climatique modifie leur comportement

Enfin, les scientifiques observent un phénomène inquiétant : des ours qui n’hibernent plus.

Traditionnellement, l’espèce japonaise entrait en sommeil entre décembre et mars. Mais dans plusieurs régions où les températures hivernales restent désormais au-dessus de 5 °C, certains individus continuent de se nourrir tout l’hiver. Cela multiplie les risques d’interaction avec les humains, surtout dans les zones où la nourriture se fait rare.

Des caméras thermiques installées ont confirmé une présence d’ours active même en janvier dans les montagnes de Yamagata, un fait jugé « anormal ».

Une cohabitation devenue dangereuse

Les autorités japonaises ont enregistré plus de 200 attaques non mortelles en 2025, du jamais-vu.

Les gouvernements locaux multiplient les mesures : patrouilles rurales, haut-parleurs diffusant des avertissements, et distribution de clochettes anti-ours aux randonneurs. Dans certaines zones, des drones thermiques sont désormais utilisés pour repérer les ours avant qu’ils n’approchent trop des habitations.

Pourtant, ces efforts ne suffisent plus. Les mairies rurales, confrontées au vieillissement de la population et à la dépopulation rapide, manquent d’effectifs pour surveiller les zones forestières. Beaucoup d’anciens cultivateurs, désormais seuls dans leurs hameaux, n’ont ni la force ni les moyens de se protéger.

Entre compassion et peur

L’ours occupe une place ambivalente dans l’imaginaire japonais : symbole de force et de nature dans le folklore, il incarne aussi le sauvage menaçant.

Cette dualité traverse aujourd’hui le débat public. Les associations écologistes appellent à préserver l’espèce (estimée à environ 15 000 individus sur l’archipel), tandis que d’autres réclament un abattage ciblé pour éviter de nouveaux drames.

Un signal d’alarme écologique

Les attaques d’ours sont plus qu’un drame humain : elles révèlent un déséquilibre entre la nature et l’activité humaine au Japon.

Elles rappellent que la cohabitation avec la faune sauvage exige prévention, adaptation et respect des écosystèmes. Pour éviter que ces incidents ne se multiplient, il devient urgent de repenser notre relation avec les forêts et leurs habitants.