Le Japon fascine. Mais derrière l’écran, entre les vidéos sensationnalistes et les “faits incroyables” partagés à la chaîne, une autre réalité se cache : celle de la désinformation. YouTube, TikTok, Instagram… les plateformes regorgent de fausses informations sur la société japonaise. Une tendance qui inquiète de plus en plus les créateurs vivant sur place, comme Mitsu, YouTubeur français installé au Japon depuis plus de dix ans.
Les réseaux sociaux, machines à illusions sur le Japon
Sur les réseaux, l’image du Japon oscille entre paradis futuriste et enfer social.
Mais la vérité est souvent moins extrême.
Des publications virales affirment par exemple que le Japon aurait supprimé les notes à l’école primaire. En réalité, seules quelques écoles locales ont testé ce modèle, une nuance souvent effacée pour faire le buzz.
Même phénomène lorsqu’on prétend que les étrangers sont systématiquement harcelés dans les écoles japonaises. Oui, des cas existent, mais ils ne reflètent pas la majorité.
Cette généralisation systématique crée une image déformée : un Japon “tout blanc ou tout noir”, où la complexité du réel disparaît derrière l’émotion et les clics.
L’affaire Takaichi: quand une fake news devient mondiale
Un exemple marquant a récemment secoué Twitter (X) : l’élection de Sanae Takaichi, première femme Première ministre du Japon.
Quelques heures après l’annonce, une rumeur s’est répandue : elle aurait créé un “ministère de la déportation des immigrés”.
Une info totalement inventée… mais relayée des milliers de fois.
Malgré le démenti des médias japonais, la rumeur a continué à circuler, preuve que, sur les réseaux, le démenti ne rattrape jamais la viralité d’un mensonge.
Du sensationnalisme à la manipulation : quand le Japon devient un décor
Le phénomène ne touche pas que la francophonie.
Dans le monde anglophone, des vidéastes comme Chris Broad (Abroad in Japan) alerte aussi sur cette dérive : certains créateurs publient des contenus “choc” où le Japon serait devenu sale, dangereux ou en déclin.
Photos de ruelles pleines de poubelles à Shinjuku, plans serrés sur des graffitis, tout y passe pour créer une histoire dramatique.
Sauf que, comme le rappelle Mitsu : ces scènes existent, mais elles ne reflètent qu’une partie du pays. Tokyo reste propre, organisée et sûre. Les quartiers animés sont simplement… vivants, comme partout ailleurs.
Tous ces youtubeurs, tiktokeurs […] qui font des vidéos […] pour essayer de faire une espèce d’analyse du Japon qui va souvent être ultra négative parce que le négatif fait plus cliquer […] Le problème étant que ben toutes ces choses-là ont un véritable impact et sur le Japon et sur la vision qu’ont les gens à l’étranger de ce pays qu’il ne connaissent au final pas ou très peu.
Pourquoi les fake news sur le Japon marchent si bien
Plusieurs raisons expliquent le succès de ces désinformations :
- L’exotisme : Le Japon fascine et semble lointain. Les internautes ont donc du mal à vérifier les infos.
- Le biais de négativité : Les contenus choquants attirent davantage de clics.
- La confiance dans les “expats” : On accorde du crédit à ceux qui “vivent sur place”, même si leur expérience reste personnelle.
- Le format court : TikTok et Reels favorisent les phrases chocs et les conclusions hâtives, rarement nuancées.
Ainsi, une info séduisante, même fausse, circule plus vite qu’une vérité nuancée.
Et plus elle est partagée, plus elle paraît crédible.
Un Japon idéalisé ou diabolisé : dans les deux cas, c’est faux
Ce qui dérange Mitsu, c’est autant la diabolisation que l’idéalisation du Japon.
Les deux reposent sur des clichés : soit “le Japon, pays parfait où tout fonctionne”, soit “le Japon, société fermée et raciste”.
La réalité se situe entre les deux, dans une société moderne, complexe, parfois contradictoire.
Ce genre de fausses informations, elle commence à tourner et à prendre une proportion qui est assez dingue […] on va prendre un simple témoignage ou une simple idée reçue pour en faire des généralités pour essayer encore une fois d’essentialiser le Japon en disant le Japon c’est comme si, le Japon c’est comme ça, que ce soit en bien ou en mal […]
Comment s’informer correctement sur le Japon
Avant de partager une “info choc” sur le Japon :
- Vérifiez la source : d’où vient la publication ? Est-elle relayée par des médias japonais fiables (NHK, Asahi Shimbun, Mainichi, etc.) ?
- Cherchez le contexte : une photo ou un témoignage isolé ne suffisent jamais.
- Croisez les perspectives : écoutez les Japonais eux-mêmes, pas seulement les expatriés.
- Méfiez-vous des phrases toutes faites : “Au Japon, tout le monde…”.
De plus en plus de créateurs, dont Mitsu ou Chris Broad, plaident pour une approche responsable du contenu culturel.
Montrer le Japon, oui, mais le montrer tel qu’il est.
Conclusion : pour un regard plus juste sur le Japon
Le Japon mérite mieux que des clichés recyclés ou des scandales inventés.
C’est un pays fascinant, en constante évolution, où la modernité côtoie la tradition.
Mais pour comprendre cette richesse, il faut aller au-delà des titres viraux.
Alors, la prochaine fois qu’un post vous dit : “Au Japon, ils ont interdit les notes à l’école”… respirez, vérifiez, et souvenez-vous que la réalité est toujours plus subtile que la fiction.
Sources et crédits
- Vidéo de Mitsu : Le Japon part en 🍒 ?! VRAIMENT ? Il faut qu’on en parle
- Abroad in Japan : What is Happening to Japan?
- NHK World Japan
- Asahi Shimbun
- Mainichi Shimbun







